La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Temps et silence


Renaud Camus est un écrivain conservateur qui s'est retrouvé il y a quelques années au coeur d'une de ces polémiques que ne peuvent entamer que des lecteurs en délicatesse avec la grammaire et la logique formelle.
Nonobstant, il écrit d'une superbe manière des textes où il exprime sans pusillanimité ses préoccupations. L'une de celles-ci est la disparition progressive de la culture au sens classique du terme. Dans le présent pamphlet, Renaud Camus met en parallèle les ambitions contemporaines de culture de masse et d'éducation de masse et affirme leur inanité. Prenant à rebours à la fois les tenants de la démocratisation de la culture classique tels qu'André Malraux ou Jean Vilar, et ceux, dans l'aval des ecrits de Bourdieu, qui pensent que toute imposition culturelle est une violence symbolique, il pose comme vérité que la culture, parce qu'elle est ontologiquement un privilège cesse d'exister en cessant d'être un privilège. Il ne peut pas y avoir de culture pour tous, comme il ne peut pas y avoir d'éducation pour tous.
Alors, dira-t-on, que voila un horrible réactionnaire ! Je ne trouve pas. Camus organise sa réflexion sur quatre axes.
Tout d'abord il explique longuement pourquoi la culture ne peut être qu'un privilège, pourquoi elle est distinction et par là-même pouvoir, au moins symbolique (Renaud Camus est diplomé de l'IEP et c'est un lieu où ce que je viens d'écrire est explicitement posé comme common knowledge). De ce qui précède il ressort qu'une culture de masse ne peut exister.
Ensuite il pose que la culture cultivée (ou classique) a été sortie de l'éducation par suite d'une volonté explicite de ce qu'il nomme notre hyperdémocratie dogmatiquement antiraciste de ne pas défavoriser une classe ou une ethnie particulière qui ne la possèderait pas (allant ainsi dans le fil de l'analyse bourdieusienne des inégalités scolaires). De ce fait la littérature, par exemple, est devenu une simple option de Terminale, et les épreuves de français au lycée s'apparentent plus à des exercices de linguistique (auquel on adjoint un "travail" d'écriture : Toi zaussi dis ce que tu penses de l'idée de liberté) qu'à une réflexion sur les grandes oeuvres.
Il montre aussi que la culture prend du temps à acquérir, parfois plus d'une génération, et que la transmission y est essentielle. Le temps est la matière dont on fait la culture et celle-ci se nourrit de silence et de solitude. Cette ascèse est évidemment inenvisageable dans une société marchande de la nouveauté, de la rapidité, et de l'im - médiateté ; et la mise en cause de tout héritage culturel réduit à néant les possibilités de construction culturelle intergénérationnelle.
Enfin Camus regrette la disparition progressive de la "classe cultivée", car sans substrat la culture se meurt.
De nouveau, on dira "Quel rétrograde !". Ce n'est pourtant pas sa position.
La voici : Parce que la culture est passage de relais, il faut une classe cultivée qui puisse transmettre à la génération suivante. Cette classe se confondait avec la bourgeoisie, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. En effet l'affaiblissement de la transmission culturelle et la spécialisation des champs fait qu'il est non seulement possible mais courant d'être éduqué, diplomé, socialement privilégié, en étant parfaitement inculte. Et les dépositaires de la culture classique voient leur nombre se réduire comme peau de chagrin.
Parce que la culture est une forme de jurisprudence, tout n'est pas culturel, et une chanson de variétés n'est pas l'équivalent d'un opéra de Mozart. Le tout-culture est un synonyme du rien-culture. Parce que la culture s'acquiert par réflexion et mise à distance, le terme d'"activités culturelles" est un oxymore.
Parce que l'école a renoncé à transmettre "La Culture" il n'est plus possible aujourd'hui de renouveler la classe cultivée aux marges en y intégrant les plus méritants scolairement des enfants des classes culturellement défavorisées, ce qui permettait l'innovation culturelle par l'apport d'idées nouvelles. L'école, sous prétexte de respect, laisse les enfants où elle les trouve et se borne à valider leur héritage culturel (au sens anthropologique cette fois). Bourdieu serait-il devenu Bourdieu dans l'école d'aujourd'hui ? Il est permis d'en douter.
Je termine par un extrait qui devrait parler à tous ceux qui ont des PAL. "L'homme cultivé n'a jamais trop de temps, il n'en a même jamais assez pour tout ce qu'il y a à lire, à voir, à entendre, à connaître, à apprendre, à comprendre et à aimer...A tout moment il doit faire des choix, c'est à dire renoncer à des chemins, à des livres, à des études, à des admirations et à des distractions. Et ce qu'il est, autant que par ce qu'il lit, par ce qu'il entend et par ce qu'il étudie, il l'est par ce qu'il ne lit pas, par ce qu'il ne fréquente pas, ce à quoi il refuse de perdre son temps, ce temps que la culture rend précieux."
La grande déculturation, Renaud Camus

Commentaires

Anonyme a dit…
Pauvre Occident déculturé.
Plus de culture classique, comme c'est triste.

De moins en moins de gens propres sur eux possédant La Culture détruite par l'Education Internationale Marxiste.

Au moins, on reste entre nous et on s'aime dans cet Occident, si beau et si BLANC, mais détruit de l'intérieur par les repentants antiracistes et nihilistes. SALOPARDS, vous me rendez tout triste buh buh ouin.

Je vais retourner me masturber sur du Renaud Camus et du Finkielkraut, eux, ils ont tout compris.
tiberix a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
tiberix a dit…
C'est réducteur.

Mais ça à le mérite de ne pas s'enliser dans un débat d'idée comme on disait chez Pivot ou chez Polac.

Du coup cela illustre bien le sujet.
Gromovar a dit…
@nathrakh : Si tu travaillais tous les jours avec des adolescents, tu verrais ce qu'il en reste de la culture classique. Je ne sais pas si on "reste entre nous", mais là, en l'occurence, ces pauvres jeunes sont entre rien du tout. Tu peux aimer, moi pas.
PS : Quand je me masturbe, j'invite Pascal Bruckner aussi :-)
Aigo a dit…
Quelque chose m'échappe: pourquoi se lamenter sur le manque de culture du plus grand nombre quand on a posé au départ que la culture est le privilège du petit nombre?
Gromovar a dit…
La thèse est que la tentative de mettre la culture à la portée du plus grand nombre en a dépossédé ses détenteurs historiques sans la mettre à la disposition de nouveaux arrivants. De ce fait, presque plus personne n'est dépositaire de la culture classique.
Cedric Jeanneret a dit…
l'ouvrage me semble intéressant, je me demandais jusque comment son auteur définissait "la culture classique" ?
Gromovar a dit…
Je crois que, pour lui, c'est la part infime des oeuvres qui a passé l'épreuve du temps et de l'oubli. Et c'est la classe cultivée, car dominante, qui désigne ce dont on doit se souvenir.
Cedric Jeanneret a dit…
ok, merci pour l'info.